Albert Terrier, un élève sous l’Occupation

Albert Terrier, un élève sous l’Occupation

 

Albert Terrier est né le 24 décembre 1929. Cet agriculteur à la retraite nous raconte sa vie d’écolier à l’ancienne école de garçons Saint Joseph au début des années 1940 en pleine deuxième guerre mondiale. Une époque difficile pour tous.

Petit Joseph : Quand avez-vous été scolarisé à Saint Joseph ?

Albert Terrier : J’ai été scolarisé à l’Ecole de Garçons Saint Joseph d’octobre 1939 jusqu’à juin 1940 en tant que demi-pensionnaire. En effet le 8 juin, un bombardement allemand a provoqué un grand incendie aux Andelys et la destruction d’une bonne partie de la ville. Par chance, à l’époque, seul le réfectoire de l’école a brûlé. Mes parents étaient cultivateurs. Ils m’ont réinscrit à Saint Joseph à la rentrée 1941 en tant que pensionnaire cette fois. J’y suis resté jusqu’au certificat d’études en juin 1945. A noter qu’à l’époque, l’école se situait de l’autre côté de la rue de Fontanges, face au presbytère et bordait le Gambon (qui coule en souterrain à cet endroit aujourd’hui).

Petit Joseph : Comment se passait la vie d’un écolier de Saint Joseph pendant la guerre et l’Occupation ?

Albert Terrier : Les pensionnaires (nous étions une quinzaine) étaient logés et nourris au presbytère. Nous mangions au sous-sol et nous dormions dans les couloirs au 1er et 2ème étages, pour des questions de place et d’économie de chauffage. Nous nous lavions à l’eau froide, avec un broc. Nous étions presque tous des enfants de chœur. Il fallait donc se relayer pour assurer le service de messe, y compris à 7h00 du matin avant l’école. Ce n’était pas toujours très agréable, car nous avions très froid. Nous manquions même les cours lors d’enterrements ou de mariages. Les pensionnaires ne voyaient pas souvent leur famille, même si nous habitions à côté, comme moi. On ne sortait qu’aux vacances scolaires. Mais le dimanche nous allions faire des promenades au château Gaillard et sur les falaises.

Petit Joseph : Comment s’organisaient les repas sous l’Occupation ?

Albert Terrier : Pendant l’Occupation, nous devions peser notre pain quotidien tous les matins avec la cuisinière Mme Simon (de 275g à 370g selon l’âge) et nous avions des tickets de rationnement. Nos repas étaient assez restreints avec beaucoup de hachis parmentier (mais peu de viande!), des lentilles et une soupe légère le soir avec parfois du lard. Nous avions cependant souvent des fruits et surtout des pommes. Mais finalement, nous étions assez chanceux car nos parents étaient pour la plupart cultivateurs, ils procuraient donc régulièrement des victuailles à l’école. Les orphelins logés à la Maison Saint Joseph (lieu actuel des Papillons Blancs) étaient plus mal lotis. Ils avaient de tristes habits et encore moins à manger. Ils n’hésitaient pas à nous demander nos trognons pour les manger. C’était terrible…

Petit Joseph : Vous souvenez-vous de votre maître et de votre prêtre ?

Albert Terrier : Notre Maître s’appelait M. Lacaille. Il portait une barbe et faisait les cours sur une estrade. Il avait une apparence sévère mais avait beaucoup de cœur et nous le respections. On nous distribuait les notes tous les 15 jours et si nous nous comportions mal, nous étions privés de sortie. Le prêtre qui s’occupait de nous s’appelait Chanoine Joseph Oursel : un homme très gentil. Il nous expliquait des tas de choses notamment d’astronomie (il nous faisait observer les étoiles). C’était également un passionné de menuiserie. Il avait un petit atelier dans le sous-sol de son presbytère. Il passait donc beaucoup de temps avec nous. Lorsque nous étions malades, c’est lui qui nous soignait. Car pendant la guerre de 1914, il était infirmier. Le soir après manger, il nous lisait des romans de Jules Verne. Il repose aujourd’hui au cimetière du Grand Andely.

 Propos recueillis par Agnès Denoix

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